Chacun sait qu'en France, l'enseignement supérieur est divisé en deux : les Grandes Écoles et l'Université. Les premières attirent les meilleurs élèves (et les crédits), mais ce sont dans les deuxièmes qu'on effectue la recherche.

Avec pour conséquence, d'une part qu'en France la recherche ne se fait pas avec les meilleurs étudiants (sauf quelques exceptions, oui, je sais). Et d'autre part, cas quasi-unique parmi les pays de l'OCDE, les dirigeants du pays (chefs d'entreprise, hommes politiques, cadres) n'ont jamais été en contact avec la recherche au cours de leurs études.

Il m'a fallu presque un an pour le réaliser, mais en fait cette séparation existe aussi aux États-Unis. Certes, les grandes universités américaines sont à la pointe de la recherche, attirent les meilleurs chercheurs et leur donnent un vrai budget pour conduire leurs recherches dans de bonnes conditions. Certes, la recherche conduite dans les universités leur donne un prestige international et les premières places des classements internationaux. Mais...

Car il y a un "mais", et il est de taille. En fait, chaque grande université américaine est coupée en deux parties. Le College, d'une part, qui regroupe les étudiants des quatre premières années, et qui donne le diplome de l'université. Et la Grad School, d'autre part, qui regroupe les étudiants après graduation, et qui donne le Master et le PhD de l'université. La coupure n'est pas aussi nette qu'en France : les étudiants du College et ceux de la Grad School ont les même professeurs, ont leurs cours au même endroit, se rencontrent. Ils ont autant le droit de s'appeler anciens élèves de l'Université (rappelons que les élèves de l'École Doctorale de l'X n'ont pas droit au titre d'anciens élèves de l'X, par exemple), et ils le revendiquent sur leur CV (Harvard '02, MsC Princeton '05, PhD Princeton '08)

Mais la coupure existe quand même, et elle est plus forte et aussi plus ancienne que je ne l'imaginais. D'abord, le coeur de l'Université reste le College. La grande cérémonie en début d'année, c'est pour l'arrivée de la nouvelle promotion du College. Le graduation day, c'est la remise des diplômes à la promotion sortante du College. Les élèves qui se désignent par "Cornell '08", ce sont les promotions du College. Le sens d'appartenir à une seule promotion, s'il existe, ne regroupe que les élèves du College.

Lorsqu'au début du XXe siècle, les grandes universités ont commencé à installer leurs Grad Schools (ou à en augmenter la taille), cette évolution s'est faite contre l'opposition du College, qui pensait que la Grad School allait faire baisser le prestige de l'Université...

Si on regarde le taux d'élèves étrangers, on a une surprise. Les universités ne communiquent toute l'information sur leurs élèves étrangers, mais les informations sont disponibles, bien qu'éparpillées, et il suffit de les rassembler. À chaque fois, on trouve la même information : un très faible taux d'élèves étrangers en College (entre 7 et 9 %)... et un très fort taux d'élèves étrangers en Grad School (de 30 à 45 %, les recordmen étant Cornell et le MIT). Le taux d'élèves étrangers semble relativement constant sur les disciplines (à Cornell, par exemple, c'est 44 % toutes disciplines confondues et 46 % dans les sciences de l'ingénieur). Par "étranger", l'administration veut dire : non-resident alien, c'est à dire qui n'avait pas de visa long séjour ni de carte de résident avant de s'inscrire à l'université. Autrement dit, un fils d'immigrant, ou quelqu'un qui avait déja un visa long séjour, n'est pas compté comme un étranger. Si on ajoute aux "non-resident aliens" les immigrants récents (mais qui ont déja obtenus un visa long séjour ou la citoyenneté, par exemple via leurs parents) on obtient les 2/3 des étudiants en Grad School (mais cette fois-ci, je ne peux avoir aucun chiffre officiel, évidemment). Ou, si vous préférez, un tiers environ des brillants PhD produits par les universités américaines sont américains depuis plusieurs générations.