Je ne veux pas dire "à quel endroit du globe se trouvent les meilleures universités ?", ça, tout le monde le sait, en Amérique (et aussi Oxford et Cambridge). Non, je veux dire, en général, une grande université, est-ce qu'elle se trouve plutot dans une grande ville ou dans une petite ville ? Quel est le meilleur modèle ? L'Université au coeur d'une mégapole (genre Columbia dans New-York) ou l'université dans une ville universitaire (genre Oxford, Cambridge... ou Cornell).

Vaste question, qui imposerait de définir "grande" et "petite" ville. Mais commençons par regarder les données. Je pars du classement de Shanghaï, parce que je l'ai sous la main, et parce qu'il est mondial. Pour chaque université, je cherche dans quelle ville elle se trouve, puis la population de l'agglomération via Wikipedia. Je prends les 47 premières universités mondiales, et ça me donne ce genre de nuages de points :

Nuage de points

Difficile à lire, non ? Le problème, c'est qu'on range ensemble des petites villes (qui dépassent à peine l'axe des abcisses) et de très grandes villes (genre New-York). Et puis, il n'y a évidemment pas de lien entre la taille de la ville et le rang au classement. La seule chose qu'on voit, c'est que ni les grandes villes, ni les petites, ne sont éliminées à ce stade (mais en regardant le graphe de plus près, il semblerait qu'il y ait un trou aux alentours de 1 million d'habitants).

Pour y voir plus clair, commençons par classer les données. Je trie mes agglomérations par taille, et ça me donne ceci :

Courbe

Vu comme ça, ça n'est encore pas très exploitable. Même si on commence à voir apparaitre des choses. Posons comme définition qu'une très grande ville, c'est une ville de plus de 2 millions d'habitants. Avec cette définition, 26 universités sur les 47 premières (55 %) sont situées dans une très grande ville (dont 3 chacunes pour New-York, Los-Angeles et San-Francisco, et 2 chacunes pour Boston, Chicago et Londres).

Ça se corse un peu pour la définition de "petite ville universitaire". D'abord, ça dépend du rapport entre la population de la ville et celle de l'université. Ensuite, les universités ont eu tendance à essaimer et à créer des parcs technologiques autour d'elle, donc une petite ville universitaire n'est pas forcément une ville où il n'y a que l'université. Posons comme définition : ville où les activités de recherche et développement (donc l'Université plus les essaimages) sont la majorité des activités. Avec cette définition (dont je reconnais qu'elle est discutable) Oxford, Cambridge, Pasadena, Ithaca... sont des petites villes universitaires. J'inclue encore Durham (Duke), Ann Arbor (U Mich) et Madison (U Wisconsin), mais pas Zurich, ni Utrecht. La limite est donc entre U. Wisconsin et l'ETHZ. Avec cette définition, 14 universités sur les 47 premières (30 %) sont dans des petites villes universitaires.

Reste donc 15 % d'Universités (7 sur 47) qui ne sont ni dans des grandes villes, ni dans des petites villes universitaires. Le camp des villes moyennes est clairement perdant. Il va l'être encore plus si je vous dis qui sont ces sept villes : Zurich, Utrecht, New-Haven (Yale), Nashville, Kyoto, Austin et Copenhague.

Dans ces sept, Austin, Copenhague et Kyoto sont clairement des grandes villes, avec une importance majeure par rapport au territoire qui les entoure (Kyoto est l'ex-capitale, et est en outre insérée dans la conurbation Osaka-Kobé-Kyoto). On pourrait dire que seules 4 universités dans les 47 premières (8,5 %) sont réellement dans une ville moyenne (et encore, j'ai un peu un problème avec Yale, qui a tout d'une petite, ou en tout cas qui a démarré dans une petite ville... et qui s'est faite rattraper par la croissance urbaine).

Je suis bien conscient des limites méthodologiques de l'exercice (pour bien faire, il faudrait une régression linéaire par rapport au nombre de villes de chaque taille...). N'empêche, il semblerait que, si par hasard vous vouliez créer une université qui va être dans les meilleures mondiales, vous avez le choix entre deux modèles principaux :

  • l'Université au cœur d'une grande ville
  • l'Université dans une petite ville universitaire

Sur le plan budgétaire, si vous partez de zéro, le modèle "petite ville universitaire" est probablement le moins cher. On pourrait aussi remarquer que plusieurs des universités qui sont actuellement dans une grande agglomération (Harvard, Stanford ou Berkeley, par exemple) ont commencé dans une petite ville universitaire... et ont été rattrapées par la croissance urbaine.