Une odyssée à Ithaca

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Commentaires

1. Le vendredi 13 juin 2008 à 21:41, par N. Holzschuch

Après recherches, l'Université du Caire doit sa bonne place au classement à 3 prix Nobels : 2 Nobels de la Paix (Yasser Arafat et Mohammed El-Baradei) et 1 Nobel de Littérature (Naguib Mahfouz). Pour University of Cape Town, 4 prix Nobels :
Max Theiler (Médecine, 1951, vaccin contre la fièvre jaune), Allan McLeod Cormack (Médecine, 1979, tomographie), Aaron Klug (Chimie, 1982) et J. M. Coetzee (Littérature, 2003). Pour University of Witvatersrand, 4 prix Nobels : Aaron Klug (Chimie, 1982, oui, il a fait ses études dans les deux), Nadine Gordimer (Littérature, 1991), Sydney Brenner (Médecine, 2002) et... Nelson Mandela (Paix, 1993, oui, il est bien ancien élève).

Je pense que, comme cause de décalage entre le classement complet et le classement basé sur les anciens élèves, on peut rajouter que les prix Nobels de la Paix et de Littérature ne contribuent pas beaucoup au nombre d'articles dans Science et Nature, ni au nombre de citations dans des papiers scientifiques...

(Tiens, j'ai une idée : pour remonter Normale Sup', à partir de maintenant, dans chaque article scientifique publié, je case des citations de Bergson, Romain Rolland et Sartre...)

2. Le lundi 16 juin 2008 à 09:42, par pablo

Le problème avec ce classement, c'est qu'il repose sur de très petit nombres. Le jour où Coetzee a reçu son Nobel, Cape Town a dû remonter de xxx places. Pourtant rien n'y a fondamentalement changé par rapport à la veille...

3. Le lundi 16 juin 2008 à 14:23, par N. Holzschuch

Hi Pablo,
J'y ai pensé... surtout depuis que j'ai réalisé que l'Université du Caire était 51e avec seulement 3 Nobels. En gros, les 160 derniers ont moins de 4 prix Nobels chacune. Sur les 30-40 premiers, on commence à parler de plus gros chiffres, et on a une relative stabilité. C'est quand même assez stable : passer de 3 à 4, c'est grimper de 30 places, maximum.

Mais ce classement là est d'abord intéressant pour ce qu'il révèle : les universités de formation des élites dans le monde. Si Yasser Arafat et Mohammed ElBaradei sont allé à la même université, ça n'est pas un hasard, c'est parce que c'était la meilleure d'Afrique du Nord. Et ce classement là donne comme un "who's who" de ces universités des élites (en France, on les appelle "Grandes Écoles"). C'est assez intéressant, dans le sens où l'on retrouve celles qu'on s'attendait à retrouver (les plus prestigieuses, celles dont la réputation est établie depuis des siècles). 200 Universités seulement qui ont formé l'ensemble des Nobels depuis la création, c'est un club *très* fermé. Le "who's who" établi par le Nobel est aussi cohérent avec le "who's who" tout court : si tu prends des personnes célèbres (comme Rudolf Diesel, Bill Gates...) ils ont été dans ces universités là.

Et le classement est aussi intéressant pour le décalage qu'il révèle : Harvard est première pour le nombre de Nobels anciens élèves *et* pour le nombre de citations de papiers scientifiques. Autrement dit, elle forme des élites *et* ses professeurs font de la bonne recherche. Alors que Moscow State University (pour ne pas rester dans les exemples franco-français...), qui a formé 7 prix Nobel et 4 médaille Fields, remonte de 66 places avec ce classement, ce qui veut dire que ses professeurs ne font pas suffisamment de recherche (par rapport à la qualité des élèves). D'un côté, des universités qui forment *et* qui cherchent (Harvard, Cambridge, MIT...), de l'autre des universités qui forment, mais qui cherchent moins (Moscow State U, St Petersburg, CUNY, grandes écoles françaises...)

Je me sens moins seul quand je regarde ceux qui remontent aussi au classement (Moscow, Lund, Stockholm, Genève, Francfort, Göttingen...) La taille n'est pas seule en cause, c'est plus un accent mis sur la formation d'un côté contre formation et recherche de l'autre. Avec probablement un institut chargé de la recherche (mais séparé des universités) dans certains cas. (URSS, France, autres ?) Une différence de modèles, mais tout le monde s'accorde maintenant à dire que le modèle où ce sont les professeurs d'université qui font la recherche est le meilleur, parce qu'il met les futures élites au contact de la recherche, justement.

Si (par hasard) quelqu'un voulait sérieusement remonter la place de la France dans ce classement mondial, je me permets de signaler une stratégie efficace : prendre les meilleures universités qui sont déjà au classement, et donner à leurs professeurs les moyens de faire de la recherche. Sérieusement (siffle, siffle).

4. Le mardi 24 juin 2008 à 04:12, par David

"Une différence de modèles, mais tout le monde s'accorde maintenant à dire que le modèle où ce sont les professeurs d'université qui font la recherche est le meilleur, parce qu'il met les futures élites au contact de la recherche, justement."

C'est de loin le meilleur argument contre les instituts type CNRS, non ? En France, ce probleme est decuple par le systeme grandes ecoles. S'attaquer an CNRS est plus facile que s'attaquer aux GE (les politiques n'ont que peu de connaissances la bas, ce qui ne fait que confirmer le schisme elites decidantes/recherche). Je suis pas sue qu'on vaille y gagner grand chose par contre:le probleme des GE me parait beaucoup plus gros que celui des chercheurs CNRS peu en contact avec le monde "exterieur" (non destine a la recherche).

Vous dites que tout le monde s'accorde a dire que ce modele recherche dans les universites est le meilleur: connaissez vous des references autres qu'anecdotiques sur ce point ?

5. Le mercredi 25 juin 2008 à 18:28, par N. Holzschuch

Hi David,
je ne suis pas sûr qu'il faille opposer les choses, ni tout casser. Je serais plus partisant d'améliorer ce qui marche.

Les grandes écoles font de la bonne formation, c'est clair. Mais cette formation s'arrête à Bac+5. Aujourd'hui que la compétition mondiale se passe dans la recherche, c'est être en retard d'une guerre. Ajouter aux GE une vraie formation doctorale de qualité (cf. le billet de Tom Roud sur l'école doctorale de l'X: tomroud.com/2008/04/12/le... ), avec une recherche de pointe, ça serait probablement un bon début.

À la fin du XIXe et au début du XXe, quand les grandes universités américaines ont commencé à ajouter des "grad studies" à leur "College" (les 4 premières années), ça s'est fait dans la douleur, et en conflit avec le College. Les présidents d'université de l'époque étaient des visionnaires (ils restaient en poste des décennies, ce qui aide à penser à long terme, aussi).

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