un article récent du New-York Times m'apprend que les grandes universités américaines, Harvard en tête, s'inquiètent de l'avenir professionnel de leurs étudiants. Oh, pas de la façon dont vous l'imagineriez de l'autre côté de l'Atlantique ("nos étudiants vont-ils être au chomage ?"). Non, la question qui agite la faculty de Harvard (et d'autres), c'est "nos étudiants vont-ils gagner trop d'argent ?".

J'exagère, bien sûr, mais à peine. Un quart des étudiants qui quittent Harvard, diplôme en poche, ont, à la sortie, un boulot dans la haute finance ou le management consulting. Alors, évidemment, ça rapporte, mais c'est pas en faisant ça qu'ils vont changer le monde. Des séminaires tentent d'inciter les étudiants à chercher du travail ailleurs, à se mettre au service des autres. Derrière tout ça, je pense, il y a l'idée que les grandes universités "doivent" former les dirigeants américains. Si tous les meilleurs étudiants partent dans la finance, à la prochaine génération, le président des États-Unis, il ne sortira pas de Harvard/Yale/Princeton... "On prépare des gens qui changeront le monde, qui le rendront meilleur, et c'est ce qui justifie le coût de leur éducation", disait le président d'Amherst College. Et il ne parlait pas du montant des frais d'inscription, mais des fonds versés par l'état, qui sont au moins équivalent. Il s'agit du coût pour la société, et du besoin de rendre à la société.

Mais évidemment, parmi les motivations des étudiants pour prendre ces boulots qui paient vraiment bien dans les banques d'affaire de Manhattan, il y a... le remboursement des prêts étudiants. Quand on s'est endetté de 200 000 $, un boulot qui paie 200 000 $ par an, c'est tentant, c'est sûr. Et il y a aussi la stimulation intellectuelle, qui s'auto-entretient : il y a beaucoup d'esprits brillants dans la haute finance, ce qui attire les meilleurs étudiants (pour le côté stimulation intellectuelle), ce qui augmente le nombre d'esprits brillants dans la finance, ce qui... Le prestige des anciens élèves joue aussi.

Je vois bien le problème des grandes universités américaines, mais je ne vois pas la solution. Tufts a bien décidé de rembourser les frais d'inscription pour les étudiants qui choisiraient la fonction publique, Harvard, Penn, Amherst et d'autres augmentent le nombre de bourses (par rapport aux prêts), mais je ne pense pas que ça suffira.