Un article paru dans Nature (par abonnement, je crois) attire mon attention sur la façon dont les universités anglaises sont financées.

Selon l'article, le HEFCE (Higher Education Funding Council for England) attribue 8 milliards de livres pour l'année 2009-2010, en se basant sur les résultats d'une évaluation scientifique menée tous les 6-7 ans (2001, 2008, 2014). Le montant n'est pas négligeable : il représente la moitié du budget des universités. Ce que je trouve plus intéressant, c'est la méthode pour attribuer ces fonds : en fonction des résultats en recherche de l'université concernée ; plus votre université a des chercheurs de haut niveau international, plus vous avez d'argent.

Si l'on compare avec un projet de décret qui a fait couler beaucoup d'encre (...), la différence essentielle est, à mon avis, qu'on n'est pas dans une logique de punition individuelle ("si vous n'êtes pas bon chercheur, vous irez faire des cours") mais dans une logique de récompense collective: l'ensemble de l'université a intérêt à ce qu'il y ait des chercheurs de classe internationale.

La différence est fondamentale. Même en se plaçant dans une pure logique manageriale (un terme qui n'a pas toujours bonne presse dans le monde académique...), les primes individuelles présentent des effets pervers, que n'ont pas les primes collectives (je vous recommande l'excellent livre de Maya Beauvallet, "Les stratégies absurdes" ; c'est également la remarque de Verel, qui s'y connait, sur le sujet). En résumé : si la prime est individuelle, il ne s'agit pas d'être le meilleur, il s'agit d'être meilleur que les autres. La tentation est alors grande de faire en sorte que les autres travaillent moins bien (en sabotant leur travail, par exemple).

Sur le sujet des recrutements (un sujet sensible), j'y vois aussi une incitation claire, qui peut tirer vers le haut la qualité des recrutements. À l'heure actuelle, les critères de recrutement mélangent recherche, enseignement, relations personnelles... Entre un très bon candidat et un candidat suffisant-mais-qui-est-un-copain, il n'y a pas, en France, de véritable incitation à recruter le très bon candidat. De même, le système britannique incite aussi les universités à donner de bonnes conditions de travail aux chercheurs...

Enfin, j'admire la simplicité et la constance du HEFCE. Un seul critère pour attribuer les fonds, la qualité des chercheurs. Et on garde le même critère année après année. Dans un autre pays, on finance les universités en se basant sur la réussite en licence, l'aménagement du territoire, sur le fait qu'elles n'ont pas eu d'argent les années précédentes... et après on vient nous dire "mais pourquoi un chercheur britannique publie plus qu'un français ? Il faudra qu'on m'explique." Eh bien, entre autres choses, il me semble que le financement basé sur les résultats en recherche est un début d'explication (sans parler du nombre d'heures de cours)...

Note : oui, le système a des effets pervers. J'en suis conscient. Notamment il attise la concurrence entre universités, crée (ou entretient) un système à deux vitesses, et aboutit à la concentration des meilleurs chercheurs dans un petit nombre d'universités. Encore que ce dernier point puisse aussi être vu comme positif...