(bad guy, thick german accent): There are only six bullets in that gun. There are nine of us. Thus at least three will survive to throw those switches.
(hero): But who's going to win the lottery...
(bad guys stand up, ready to pounce)
(hero): ...and who's going to lose?
(all bad guys sit down)

"Dead men don't wear plaid", 1982



J'ai un problème. Depuis l'apparition de l'ANR (et avant elle, des ACI), je constate que la part de mon budget qui provient de France est en nette augmentation. Aujourd'hui, à la louche, 10 % de mon budget provient d'un grand institut de recherche, 45 % provient de contrats industriels, et 45 % provient de grants ANR (et, pour être complet, le CNRS participe pour 1 %). Et même si les projets ANR sont sur 3 ans, ce sont quand même des thèmes de recherche "de long terme" (du genre : "ce thème là est prometteur, donnez-moi une bourse de thèse et des moyens pour qu'on voie ce qu'on peut en faire, je ne vous promets rien").

Bref (et même si je me garderai bien de m'en vanter à voix haute), je n'ai pas à me plaindre de l'arrivée de l'ANR dans le paysage français. J'observe que mes collègues informaticiens, eux aussi, en tirent des effets positifs. En particulier dans des universités qui ne bénéficient pas de la présence de l'INRIA, les fonds accordés par l'ANR sont le premier vrai budget que ces collègues informaticiens reçoivent.

Selon mes sources en SHS, même si l'ANR est moins généreuse qu'en Informatique, elle apporte quand même beaucoup plus de fonds que ce que les laboratoires pouvaient décerner auparavant. Bref, les SHS sont également gagnantes (même si c'est dans des proportions moindres).

Et c'est là que j'ai un problème. Parce que l'apparition de l'ANR s'est faite à budget constant. Le budget de la recherche n'ayant pas augmenté, l'argent que je retire de l'ANR, il a été pris à quelqu'un. Il y a quelqu'un, une discipline, des laboratoires, qui ont vu leur budget diminuer en proportion. Et je ne sais pas qui ça peut être.

J'ai le même problème avec les réformes en cours. Elles manquent de clarté : qui a à gagner dans ces réformes ? Quelle discipline, quel type d'université ? Est-ce que le ministère serait capable d'exprimer ce point ? Le savent-ils eux-mêmes ?

  • En 2007, c'était clair : les gagnants étaient les lauréats du plan Campus, c'est-à-dire les universités fortes en recherche et ayant su se regrouper.
  • En 2008, c'était également clair : les gagnants sur le plan budgétaire étaient les petites universités, qui étaient à la ramasse.

Malheureusement, les politiques de 2007 et de 2008 étant incohérentes entre elles, on n'arrive pas à percevoir l'objectif à long terme. Ce qui fait que chacun croit que les réformes sont dirigées contre lui, spécifiquement.

Par ailleurs, que quelqu'un voit son budget diminuer à cause des réformes, ça peut être, au choix : (1) une profonde injustice, ou (2) la réparation d'une profonde injustice, si le budget était anormalement élevé avant la réforme. Là encore, expliciter la vision (et la situation actuelle), ça pourrait aider à comprendre, voire à faire passer les réformes...

Remarques rapides sur le budget:

Le but de ce billet, c'était de faire passer le message que l'ANR n'est pas aussi néfaste que certains le disent (en tout cas pour moi). C'est pour ça que je donne des ordres de grandeur sur mon budget. Mais comme je sens déjà venir les critiques en commentaire, je voudrais préciser quelques points et répondre par avance :

  • Le budget ne concerne que la partie "recherche + bourses de thèses", et en particulier pas les salaires des Chercheurs et Enseignants-Chercheurs. Si on pouvait les inclure, la part du CNRS augmenterait nettement.
  • Malgré leur petite taille, les 10 % + 1 % des Instituts de Recherche sont très précieux : c'est la partie du budget qui est entièrement libre, que l'on peut attribuer là où on en a besoin, sans justificatifs.
  • Les contrats industriels ne sont pas là par besoin, mais par choix. En ce moment, je n'ai pas besoin de chercher des contacts industriels, j'en ai déjà plus que ce que je peux gérer. Je prends ceux qui sont le plus intéressants sur le plan de la recherche, et qui feront avancer la science.
  • Je l'ai déjà dit, mais bon : les contrats ANR sont des contrats "science de long terme", sans applications industrielles directes (et sans partenaires industriels). Sur ce plan, l'ANR est plus agréable que l'Europe, puisque même les projets "Open Long-Term Research" doivent avoir un partenaire industriel, et lors de l'évaluation, on retombe sur des gens qui ont l'habitude d'évaluer des projets industriels.