C'est encore un billet sur un truc "que tout le monde sait". De fait, les informations sont publiques, je n'ai eu aucun mal à les retrouver. Et pourtant, mises côte à côte, elles ont dessiné un tableau que je n'imaginais pas...

Le graphique représente le coût, pour l'Université, d'une heure de cours en fonction de qui assure cette heure de cours : Professeur, Maître de Conférences, ATER, PRAG, Moniteur ou vacataire. C'est un calcul simple, on prend le salaire brut annuel, on divise par le nombre d'heures annuelles, et voilà. Le salaire des professeurs, des maitres de conférences et des PRAG dépend de leur échelon, ils démarrent en bas de la zone grise, et ils finissent leur carrière en haut.

Qu'est-ce qu'on voit sur le graphe ? D'abord, qu'un ATER, c'est vraiment "presque comme un MCF". C'est juste l'échelon juste en dessous. La différence de salaire entre moniteurs et les autres ne me choque pas tant que ça (j'ai juste compté le monitorat, pas la partie "bourse de thèse"). Non, le truc vraiment choquant, c'est la colonne de droite. Qui représente à la fois ce qu'est payé un vacataire, c'est à dire un doctorant qui n'a pas réussi à décrocher un monitorat (par exemple parce qu'il est arrivé en novembre, alors que les monitorats sont plutot attribués en juin, puis en septembre). Et le tarif des heures complémentaires des Enseignants-Chercheurs.

Les deux me paraissent bizarre. Je ne vois pas pourquoi un vacataire est toujours payé le même tarif, quelle que soit son expérience, ni pourquoi il est payé 30 % de moins qu'un moniteur, qui est lui aussi débutant, après tout. Et je n'arrive pas à comprendre en vertu de quelle logique bizarre les heures complémentaires des enseignants-chercheurs sont payées beaucoup moins cher que leurs heures de service. C'en est au point où il est vraiment plus économique pour l'Université de doubler la charge de travail de ses enseignants-chercheurs que d'en recruter deux fois plus (ou même de prendre des postes temporaires, genre ATER).

Comprenons-nous bien : je ne partage pas l'opinion, que j'ai pu entendre plusieurs fois, que les présidents d'universités sont de gros méchants qui ne comprennent rien. Mais je partage l'opinion, exprimée plusieurs fois sur de nombreux blogs de grande qualité, que les êtres humains raisonnent en particulier en fonction d'incitations économiques. Et là, l'incitation économique pousse le président (le ministère ?) à augmenter la charge de travail de chaque enseignant, plutot qu'à créer des postes. Comme la différence de salaire est de l'ordre de 75 %, je vais même dire que l'incitation économique pousse fortement l'administration à augmenter la charge de cours de chaque individu.

Alors que dans une entreprise "normale", les heures supplémentaires sont plus chères que les heures normales, ce qui fait que la direction préfère embaucher de nouveaux personnels plutot que de donner des heures sup à tout le monde, ce qui fait que le système s'auto-régule, modulo quelques frictions.

Sans avoir fait d'économie, j'ai l'impression que la solution d'équilibre est celle où tous les EC sont au maximum de leurs heures complémentaires (car le statut prévoit un nombre maximum d'heures complémentaires, sans ça la solution d'équilibre serait à l'infini) (ce qui, évidemment, supprime toute possibilité d'ajustement par la suite).

Voilà qui me permet enfin de comprendre le sous-encadrement chronique de certains départements universitaires : il n'y a aucune incitation à améliorer l'encadrement, bien au contraire.

(Note pour les tatillons : oui, le coût pour l'Université n'est pas le salaire brut, c'est le salaire brut chargé. Il se trouve que les chiffres qu'on trouve plus facilement sont ceux du salaire brut, le seul qui ne serve à personne... Comme le salaire brut chargé est proportionnel au salaire brut, je garde mes chiffres.)