L'industrie pharmaceutique, ou plutôt la recherche pharmaceutique, a un problème. En schématisant grossièrement, quand elle développe 10 molécules, elle en trouve une qui a vraiment un effet. Parmi celles qui ont un effet, une sur 10 a un effet bénéfique mesurable. Parmi celles qui ont un effet bénéfique mesurable, une sur 10 n'a pas d'effets secondaires indésirables.

Bref, une molécule sur 1000 arrive sur le marché. Ce qui signifie que 999 fois sur 1000, les chercheurs travaillent pour rien. Et encore, parmi celles qui arrivent sur le marché, une sur 10 sera un énorme succès commercial, comme le Viagra. L'industrie pharmaceutique est une industrie extrêmement risquée, ou tout repose sur les rares molécules qui marchent.

Pourquoi c'est pareil que les films ? Eh bien à Hollywood, c'est pareil. Une idée sur 10 devient un scenario, un scenario sur 10 devient un film, un film sur 10 parvient à l'équilibre financier, et parmi ceux-ci, un sur 10 est un vrai succès commercial. Et de la même manière que les pharmaciens, les industriels du film n'ont aucune idée de ce qui fait qu'un film va marcher ou pas. Ça n'est pas corrélé au budget, ni au réalisateur, ni aux acteurs. La seule chose qui soit sure, c'est les dépenses (ce qu'on paie pour faire le film). Les recettes, c'est du brouillard. C'est ce qui explique le manque d'originalité en provenance d'Hollywood : pour ne pas se rater, les studios restent sur les recettes qui marchent (un héros, une princesse, un robot...) En général, un succès inattendu (au sens où le film sort des canons habituels) est suivi par une série de films qui reprennent les éléments clefs du premier film. Ainsi, après Titanic, on a vu plus de films de bateaux...

Bon. Maintenant que j'ai planté le décor, je dois vous parler de Pixar. Pixar est un studio d'animation, qui fait des films en image de synthèse. Et qui a deux particularités : chaque idée devient un film, et chaque film est un succès commercial. De 350 à 850 millions de dollars de recette, ce qui les place tout de même dans la même catégorie qu'un Iron Man ou qu'un Indiana Jones. Pour être tout à fait honnête, le budget aussi est dans la même catégorie. Wall-E a coûté 180 millions de $ à produire, ce qui à nouveau le place dans la même catégorie qu'Iron Man ou qu'Indiana Jones.

Quel est donc le secret de Pixar ? (même si je ne pense pas qu'on puisse le transposer dans la recherche pharmaceutique). Il y en a plusieurs, mais le premier, c'est l'histoire. Savoir quelle histoire ils vont raconter, ce qui va se passer, pourquoi, comment rendre ça intéressant... c'est le point sur lequel ils passent le plus de temps. Une fois qu'ils ont une histoire, ils commencent à tourner, c'est-à-dire à modéliser les personnages, à faire l'éclairage, tout ça.

Le Monde 2 a un dossier, bien fourni, sur Pixar et sa façon de travailler.