Il s'agit d'un classement dont la presse française spécialisée s'est largement fait l'écho, et pour cause : c'est un français qui gagne.

Le Scimago, est un nouveau venu dans le monde des classements mondiaux (son nom complet est Scimago Institution Ranking).

Par rapport à d'autres classements, il a l'avantage de ne porter que sur les publications. Pas question de mesurer le nombre de prix Nobel parmi les anciens élèves (Shanghaï), ni la réputation de l'établissement auprès des collègues (THES), encore moins le devenir professionnel des anciens élèves (Mines). Non. Ici, on retourne aux fondamentaux : nombre de publications au cours de l'année. C'est un instantané de la production scientifique, si vous voulez. Il repose sur la base de données SCOPUS, ce qui peut être un avantage ou un inconvénient, c'est selon.

Le classement Scimago a également l'avantage qu'il note tout le monde, sans a priori. Il ne recense pas seulement les universités, mais aussi les instituts (le CNRS, l'INRA, l'INRIA, Pasteur, le Museum d'Histoire Naturelle...). Dans les universités, on retrouve les classiques : Paris 6, Paris 7, Lyon 1, Grenoble 1, Strasbourg 1, Toulouse 3... Dans les grandes écoles, là aussi pas de surprises : Polytechnique, les trois ENS, l'ESPCI. Derrière les incontournables, on voit Centrale Lyon, l'INPL et l'INPG (et c'est tout, sauf erreur de ma part, Scimago ayant placé la barre à 100 publis par an).

Pourquoi ce classement a t-il eu l'honneur de la presse française ? Parce que la première colonne est purement quantitative : le nombre total de publications au cours de l'année. Et donc la première place mondiale va au plus gros institut : le CNRS. Pas seulement par le nombre de chercheurs, mais parce que pratiquement toute publication en France passe par un laboratoire estampillé CNRS, une UMR. Indépendemment des moyens que le CNRS met dans le laboratoire (pendant très longtemps, le plus gros laboratoire d'informatique de France avait... 1 chercheur CNRS, pour 80 enseignants-chercheurs).

Mais la quantité de publications chaque année ne vaut pas grand chose sans une indication du nombre de chercheurs, et le système des laboratoires-qui-ont-l'estampille-CNRS-sans-avoir-les-moyens empêche de mesurer clairement l'impact de chaque institution.

Ce qui m'intéresse le plus aujourd'hui, c'est la dernière colonne du classement ; celle qui recense non pas le nombre de publis, mais le nombre moyen de citations par publication, normalisé par discipline. La question de la normalisation est complexe, et l'on ne sait pas si la méthode est parfaite, mais elle a le mérite de faire une première correction. En résumé, cette dernière colonne ne recense pas la quantité de publications, mais leur qualité moyenne : plus une publication est de bonne qualité, plus elle est citée (et oui, je connais le biais des publications vraiment mauvaises qui sont aussi citées pour les réfuter, mais on admettra qu'il est négligeable).

Alors, voyons un peu l'histogramme pour la France :

On voit que la répartition suit une courbe de Gauss, en gros. On voit, à droite, quelques outliers, comme l'ARC ou l'IN2P3, qui publie fort peu (245 publis) mais des publis de très bonne qualité (17 citations en moyenne par publication), ce qui le place au dessus de 3 fois la moyenne dans sa discipline. On ne voit pas (parce que c'était difficile à placer sur la figure) le très grand nombre d'hôpitaux et d'instituts liés à la santé qui occupent le haut du tableau (l'hôpital Saint-Louis, l'Institut Gustave Roussy, la Pitié... sont tous au dessus de 1,6).

On voit que certaines institutions françaises sont à la hauteur de leur réputation (les ENS, l'IUF, le Collège de France, Pasteur...) On voit, ce qui est surprenant, que deux laboratoires de Paris 6 se paient le luxe de figurer au classement, et devant leur université de rattachement, s'il-vous-plait : un laboratoire de Math Appli (le laboratoire Jacques-Louis Lions) et un laboratoire d'Informatique (le Laboratoire d'Informatique de Paris 6).

Si je devais résumer le haut du tableau, ces institutions françaises qui publient des articles avec un fort impact (> 1,45), je dirais qu'on y trouve, par ordre décroissant :

  • des hôpitaux et des instituts de recherche sur la santé (ARC, Pasteur,...)
  • des instituts de recherche en Physique (l'IN2P3, l'Institut d'Astrophysique de Paris, l'IPGP, le laboratoire Kastler Brossel, le laboratoire de Physique des Solides...)
  • quelques (très) grandes écoles : l'ENS, l'ENSL, l'X (on pourrait y ajouter l'IUF et le Collège de France).
  • quelques laboratoires en Informatique et Math-Appliquées : l'INRIA, le LIP6, le laboratoire JL Lions.

Je ne sais pas si je dois me réjouir de, finalement, la bonne place de l'Informatique française, ou m'interroger sur l'absence d'instituts spécialisés dans les autres disciplines. Il est clair qu'un institut ou un laboratoire spécialisé sera avantagé dans ce genre de classements, par rapport à une université ou un institut généraliste.Pour mémoire, les premières universités "généralistes" sont Strasbourg 1 et Paris 7 (1,42). Et on pourrait aussi s'interroger sur l'Institut Laue Langevin, qui cumule tous les avantages et qui termine à la dernière place du classement (0,96, c'est-à-dire que ses publications sont moins citées que la moyenne de la discipline).

C'est tout pour aujourd'hui. Demain, si vous êtes sages, je vous ferai la comparaison avec d'autres pays européens et les USA.