Reprenons le classement Scimago dont on avait déjà parlé, et voyons un peu comment se comportent les autres pays européens. La dernière fois, j'avais utilisé un histogramme, mais deux histogrammes sont difficiles à comparer, surtout s'ils se croisent. La même chose avec des courbes :

Sur cette figure, on voit le nombre d'institutions pour chaque pays (France, Allemagne, Espagne), réparti en fonction du nombre moyen de citations par article, normalisé pour tenir compte des différences de comportement entre les disciplines. Les données suivent à nouveau une courbe de Gauss ; les données pour la France et l'Allemagne sont assez proches, l'Espagne étant plus décalée sur la gauche.

Les champions d'Allemagne, les centres de recherche dont les publications sont les plus citées, sont, d'abord, deux centres de recherche européens : l'ESO et l'EMBL. Le suivant est le navire amiral de la recherche fondamentale allemande, la Max Planck Gesellschaft. La MPG fonctionne de façon très différente du CNRS : elle a des centres de recherche propres (instituts), avec localisation unique et autonomie de gestion. Derrière, on trouve plusieurs centres de recherche, et les grosses universités : Mannheim, Frankfurt, Bremen, Heidelberg, puis Munich et T.U. Munich l'une derrière l'autre. On retrouve les binomes que j'avais déjà observé : Mannheim/Heidelberg, ou Munich/T.U. Munich.

Une autre spécificité du système de recherche allemand, ce sont les centres de recherche des entreprises privées, qui non seulement publient, mais encore ont des publications qui sont très souvent citées. Le centre de recherche de Siemens AG se place même devant la totalité des universités et grandes écoles françaises de ce point de vue (seuls des hôpitaux et quelques instituts le dépassent). Ces centres de recherche privés de classe mondiale sont rares en Europe : 2 en Allemagne, 1 en Espagne, 1 aux Pays-Bas (Phillips). Ils sont plus fréquents au Japon et aux USA.

On peut s'offrir cinq minutes à admirer, quand même, la qualité de la recherche française et allemande. La plupart des centres de recherche qui publient (okay, c'est peut-être là qu'est le biais de mesure) publient des articles qui sont cités plus que la moyenne de leur discipline : la quasi-totalité des courbes se situe après 1. La qualité, plus que la quantité.

Maintenant, et si on comparait avec les systèmes de recherche anglo-saxon, qui font rêver ?

Ce qui saute aux yeux, c'est d'abord à quel point les courbes sont plus étalées (l'écart-type est plus grand, pour mes lecteurs scientifiques). Ce qui signifie qu'il y a un nombre important de centres de recherche américains dont les publications sont de moins bonnes qualités que les publications françaises. L'ennui, c'est qu'il y en a aussi beaucoup dont les publications sont beaucoup plus citées que les françaises. Sans surprise, on retrouve tous les grands noms en tête de classement : Harvard, le MIT, Rockefeller,... ont tous des publications qui sont citées, en moyenne, plus de deux fois plus que la moyenne de la discipline.

La principale surprise côté anglais provient de la London Business School, qui est nettement plus citée que la moyenne des publications de sa discipline (mais quelle est sa discipline ? et qui fournit la moyenne ?). La petite bosse rose tout à droite, c'est le Wellcome Trust Sanger Institute, dont les publications sont citées 3,32 fois plus que la moyenne, un spécialiste de séquençage du génome.

On peut aussi observer que l'écart-type est plus grand, certes, mais la moyenne est aussi plus élevée. On retrouve là une différence habituelle entre les systèmes européens et américains : le premier est plus égalitaire que le second (l'écart-type y est plus faible, parfois parce que les moyens sont les mêmes). Le système anglo-saxon a un écart-type nettement plus grand, ce qui signifie des inégalités plus grandes entre les universités. Mais ça semble tirer l'ensemble des universités vers le haut, aussi.

Dernière observation : une bonne partie de la force des universités anglaises et françaises provient des centres de recherche sur la santé, qui occupent le sommet des classements. C'est moins vrai en Allemagne et aux USA.