Via l'Observatoire de Boivigny, j'apprends l'existence d'un rapport du CEREQ sur l'insertion des jeunes docteurs dans les entreprises privées.

Un rapport fort intéressant, et qui mélange plusieurs sources de données. Il y a d'abord les interviews de recruteurs et dirigeants, où l'on apprend que s'ils ne recrutent pas de docteurs, c'est d'abord pour l'absence de variance qu'ils trouvent chez les diplomés des grandes écoles d'ingénieurs. Dit en des termes qui ne fâcheront personne (j'espère), un docteur, c'est un Single Malt, alors qu'un élève de grande école, c'est un Blend. On peut trouver des Single Malt qui sont très bons, mais on sait, à chaque bouteille qu'on ouvre, qu'on court un risque et qu'il peut y en avoir de très mauvais. Avec un blend, pas de surprises : la bouteille a toujours le même goût... Cette absence de variabilité qui déçoit l'amateur de whiskys est un avantage pour le restaurateur, qui n'aime pas les surprises... Et donc aussi pour le recruteur. Pour l'essentiel, cette partie du rapport ne contient pas de faits nouveaux, et ne fait que rappeler des choses bien connues (ou qui devraient être connues...)

La partie la plus intéressante du rapport concerne les données chiffrées sur les docteurs recrutés dans une branche spécifique : "Ingénierie, Informatique, etudes et conseil" (IIEC). Une branche en pleine croissance, qui représente 4 % des emplois privés... mais 20 % des docteurs employés dans le privé. C'est visiblement la branche privée qui recrute le plus de docteurs.

La proportion est encore plus importante dans le "coeur de métier" : parmi les docteurs en informatique ou en ingénierie qui ont trouvé un emploi dans le privé, 38 % d'entre eux travaillent dans la brance IIEC (et 31 % des docteurs en math et physique). C'est une autre façon de voir les données qu'on avait déjà observé par ailleurs, et de les confirmer : les docteurs en informatique, sciences pour l'ingénieur, trouvent rapidement un emploi après la thèse. Notamment dans le privé, ce qui explique que (pour ceux qui sont recrutés dans le public) le recrutement intervienne plus rapidement après la thèse. 50 % des docteurs recrutés dans l'IIEC ont une thèse en Sciences pour l'Ingénieur ou en Mécanique (mais seulement 10 % d'entre eux ont un diplôme d'ingénieur).

Encore plus important, le salaire médian des jeunes docteurs recrutés dans la branche IIEC est de 2300 euros net par mois. C'est bien sûr plus que le salaire médian des jeunes docteurs (2000 euros net), mais, et c'est plus surprenant, c'est également plus que le salaire médian des jeunes ingénieurs (tous secteurs confondu).

Bref : en matière d'emploi des docteurs, toutes les disciplines ne se valent pas. Mieux vaut faire une thèse en informatique, et mieux vaut chercher un emploi dans l'informatique (même si vous avez fait une thèse dans une autre discipline). Maintenant, si je pouvais utiliser cette étude pour convaincre mon université de donner plus de bourses à l'Ecole Doctorale qui s'occupe de l'Informatique...