Je ne suis pas, loin s'en faut, un champion de la défense de la langue française (si une langue a besoin d'être défendue c'est qu'elle est déjà morte); j'aurais donc tendance à laisser tomber comme une vieille chaussette tous les arguments tirés des "grands principes". Reste cependant un point important: est-il indécent d'exiger d'un étudiant, pour lui conférer le titre de docteur d'une université française, qu'il soit capable de rédiger un mémoire en français, et de subir l'entretien de soutenance en français également? Personnellement ça ne me semble pas absurde.
Cela rejoint un point que d'autres commentateurs ont déjà évoqué: à la base, une thèse n'est pas une publication scientifique; c'est un exercice universitaire. Il est vrai que pouvoir passer facilement de l'un à l'autre est bien pratique, et que les mémoires de thèse sont souvent le lieu où vont se nicher les points fins du travail scientifique, qui trouveraient difficilement leur place dans un article de 20 pages...
]]>Tous les petits jeux politiques dans le monde de la recherche sont assez dommageables à mon goût mais il faut faire avec: après une expérience désastreuse dans une grosse boîte en tant que stagiaire (la chef de mon chef, qui était une personne importante, au lieu de me dire clairement à moi, petit merdeux, qu'elle n'aimait pas mon attitude - attitude que je jugerais a posteriori effectivement criticable - était plutôt allée en parler en loucedé à mon chef à deux semaines de la fin de mon stage de six mois pour lui demander de me sucrer ma prime de stage. La grande classe), bref, après cette expérience et après des projets en labo qui eux s'étaient bien passés, je m'étais dit, jeune idéaliste que la recherche fondamentale c'était chouette et que tout le monde travaillait main dans la main pour l'amour de la science. En DEA, au moment de l'attribution des bourses MRT, j'ai rapidement déchanté.
Ca n'empêche pas que ça continue à être le milieu dans lequel j'ai envie d'évoluer, mais je commence à me rendre compte que ce n'est pas si rose, comme tout le monde. Et bon, j'essaye de faire avec. Je ne suis pas spécialement intéressé par l'aspect "politique" des choses, mais je me tiens au courant, et sans en faire des tonnes, j'essaie de faire ce qui doit être fait quand ça doit être fait. Mais ça me semble une attitude assez générale que peu ou prou il faut adopter quel que soit le corps de métier ou plus généralement la relation sociale. On peut (on doit) faire des compromis sans nécéssairement faire de compromissions.
Il me semble qu'en France le système éducatif est vraiment très infantilisant de ce côté là, que ce soit en grande école ou en fac: par exemple, j'étais sidéré de voir que bon nombre de moniteurs en 3ème année de thèse ignoraient tout des démarches à suivre pour candidater aux postes de MdC. Et qu'en plus ils le reprochaient au système qui ne les informait pas bien: ok, mais bon, à 28 ans il est temps de se tirer les doigts et d'aller chercher les infos où elles se trouvent, de discuter avec ceux qui savent (son chef, des MdC du labo, des post-doc ou même google), non? De ce côté là, les ricains sont me semble-t-il bien plus mûrs que nous: dans les confs, les thésards n'ont aucun scrupule à aller tenir la jambe du grand ponte pour essayer de se vendre, alors que chez nous, côté vieille bourgeoisie oblige, on a toujours l'impression de déranger (et d'ailleurs les pontes ne se gênent pas pour nous le faire sentir, là aussi contrairement aux US) ou de se "prostituer". Savoir se vendre, aux US, c'est pas considéré comme un défaut (même si dans certains cas de "survente", ça le devient, cf la qualité des publis) alors qu'en France on a toujours l'impression que comme on est bon, les autres doivent venir nous chercher.
Après, j'espère qu'une fois à l'intérieur du système si j'y arrive, je ne deviendrai pas moi aussi un gros politiquard comme certains profs de mon ex-école, qui traitera ses étudiants comme de la vile main d'oeuvre et les postulants comme des moins que rien. Mon ex-chef est pour moi un bel exemple d'une carrière réussie (scientifique plutôt reconnu, il est suffisamment bon vendeur pour avoir pas mal de contrats et donc une certaine indépendance financière qui lui permet de faire ce qu'il veut sans trop avoir à "sucer"). En attendant de pouvoir orienter ma carrière, j'aimerais juste la faire démarrer: comme je ne souhaite pas faire carrière dans le révolutionnaire, j'essaie de m'adapter au système. Ca ne m'empêche pas de ne pas souhaiter qu'il change (en mieux)...
]]>Preambule : du choix de la langue utilisée
“Les mots sont importants.” Nanni Morretti, “Palombella rosa”
Deux solutions se présentaient pour la rédaction de ce mémoire. La première, la plus “naturelle”, ́etait d’utiliser le français, ma langue maternelle. La seconde était d’écrire en anglais. Cette dernière offrait un double avantage. Tout d’abord, elle rendait cette thèse lisible par l’ensemble de la communauté scientifique, même si je doute que l’ensemble de la communauté scientifique en ait l’intention. Ensuite, la quasi intégralité des docu- ments cités sont écrits en anglais. L’utilisation de cette langue m’aurait sans doute permis d’éviter plusieurs écueils dus à la traduction, y compris dans la partie plus personnelle de ce travail qui fit partiellement l’objet de publications anglophones. J’ai cependant préféré l’utilisation du français car je pense qu’il est important que la science ne s’écrive pas uniquement en anglais. Mon idée n’est pas ici de défendre un français dont l’imaginaire pureté ou la place seraient menacées par l’anglais. Mais la formalisation de la pensée passe par les mots. Et si l’on veut que la science fasse partie de la culture de “l’honnête homme”, il faut qu’elle soit, à un moment donné, pensée et donc écrite dans la langue vernaculaire. Se présentant à la fois comme un exercice académique et comme une prise de recul sur les débuts d’un parcours scientifique, la rédaction d’une thèse m’est apparue comme le moment opportun pour cela.
]]>Une recherche Google m'a permis de voir que c'est à chaque fois exactement le même paragraphe que tu déposes, directement copié-collé, sur des dizaines de blogs. Toujours sans aucune donnée factuelle pour ne serait-ce que nous permettre de comprendre de quoi tu parles. Je censure donc ta prose, à la soviétique. De toute façon, elle reste disponible sur des centaines de blogs, qui sont sûrement plus lus que celui-ci. C'est pas mon maigre lectorat qui aurait changé quoi que ce soit à ton problème.
]]>Je crois aussi que tout ça dépend très fortement de la discipline. Je connais un peu la physique et la biologie. Peut-être qu'en info où le travail est sans doute assez individuel, où les publications sont plus délocalisées ( proceedings...), la thèse compte, mais dans les domaines que je connais, le poids est dans les articles de journaux, pas dans la thèse ou dans les proceedings. Par ailleurs, je note aussi que les informaticiens publient énormément plus que le reste de la communauté scientifique, peut-être y a-t-il plus besoin de textes de synthèses. Alors tu dis que les thèses contiennent plus de détails, etc... mais en biologie par exemple, c'est totalement non pertinent, il faut absolument que les détails, protocoles, etc ... soient dans les articles sinon les manips ne sont pas reproductibles. Sans compter que quand il y a 10 personnes travaillant sur le sujet sur le papier, il vaut mieux avoir un texte de référence collectif. La thèse, c'est anecdotique comparé à cela, et tout le monde lit les articles, pas les thèses !
Pour la physique, encore une fois, tout passe par les articles, en anglais, mis en général rapidement sur l'arXiv, qui est le meilleur moyen de te faire connaître (beaucoup plus que ta pauvre thèse perdue sur le serveur de l'université). Tous les physiciens français que je connais de ma génération à l'ENS ont rédigé leur thèse en français. Peut-être aussi que c'est parce que la France est suffisamment reconnue en physique pour pouvoir continuer à parler de cette discipline dans sa propre langue.
Les raisons que tu donnes pour rédiger une thèse en français sont aussi super orientées. Moi j'avoue ne m'être même pas posé la question, c'était en français par tradition de la discipline. Le fait d'être plus à l'aise en français qu'en anglais, c'est mon cas, je ne savais pas que c'était un défaut qui faisait de moi potentiellement un mauvais scientifique (!). L'argument sur la diffusion des travaux me paraît aussi faible pour plusieurs raisons, dont certains déjà données : ma thèse est une redite de mes articles, tous en anglais en accès libre sur mon site web, sur les sites des journaux ou l'arXiv, je ne vois pas en quoi je limite la diffusion de mes travaux en rédigeant ma thèse en français ! Encore une fois, peut-être que les publications sont tellement diluées en info qu'il y a un besoin de textes de référence ? Cet argument de soutenance de thèse pour faire venir un grand professeur me gène toujours autant. Aux US, à ma connaissance thèses et soutenances sont quasi-anecdotiques, en interne. Je ne comprends pas cette fascination et cette révérence (peut-être un peu française) pour le grand professeur comme alpha et omega de la carrière scientifique. Avec des arguments pareils, on peut vite dériver vers des formes de mandarinat. L'argument de la lettre est le summum : quelle est la légitimité d'un type souvent de passage, qui n'a probablement même pas lu ta thèse ? Je n'irai jamais demander une lettre à quelqu'un avec qui je n'ai pas réellement travaillé, si tu veux une lettre d'un ponte, tu n'as pas le choix : il faut le harceler jusqu'à ce qu'il accepte que tu bosses pour lui pour qu'il puisse t'évaluer correctement. C'est ce que j'essaie de faire.
Alors bien sûr on peut comme mix chez moi dire qu'il faut en passer par là pour avoir un poste, qu'on n'a pas le choix, etc... C'est comme publier dans Nature en somme : tout le monde dit que Nature publie trop de merde, mais tout le monde y envoie ses papiers les plus flashy car c'est important pour la carrière. Dans ce cas, il ne faut pas se plaindre du mandarinat (auquel on se soumet "parce qu'il faut bien") et ne pas se plaindre de la dégradation générale de la qualité des publications scientifiques : ce n'est clairement pas ma ligne politique et éditoriale ;)
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